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« PETITS ÉCRITS » SUR LE MANAGEMENT : le blog

Le rôle social du DSI dans la société numérique pervasive

Les TIC changent la vie, et le numérique aura tout envahit en 2010. Les DSI en sont conscients mais restent très modestes quant à leur rôle. Ils n’y réfléchissent que très peu. Personne d’ailleurs, c’est paradoxal : l’ambivalence d’une technologie – pouvant être bénéfique ou non, suivant les usages – a toujours été au cœur des réflexions des ingénieurs. Face à la poussée de la RSE dans les entreprises – cf conférence de l’AG ADELI -, la DSI doit se rapprocher de la DRH. Le chemin est parfois difficile, mais des leviers existent.

Le 31 janvier, l’observatoire im’pertinent des systèmes d’information - la société Documental [1] – présentait à une centaine d’invités – dont votre serviteur - une synthèse de sa 3ième Université d’Eté, et de son enquête auprès des DSI sur leur rôle social et sociétal.

Restons modestes, les TIC changent la vie.

La présentation a commencé avec quelques morceaux choisis issus des entretiens avec 40 DSI.

C’est certain, les TIC changent la vie des gens et des organisations. C’est sûr pour les acteurs du SI et pour les autres. Il n’y a qu’à regarder dans la vie privée : les téléphones portables, les PDA, les ordinateurs familiaux et leur débit ADSL, … parfois plus performants qu’au bureau.

Les TIC influent sur les communications, et rien ne touche plus au lien social que la communication. Les TIC amènent une démocratisation de l’information et la refonte du travail, dans sa nature même ! Avec le nomadisme, les TIC vont être au plus près du terrain.

Néanmoins, les impacts sont surtout indirects : les TIC, c’est du support ! D’où les problèmes de mesure du changement. Les TIC n’ont pas d’ambition. On fait plus des constats qu’on applique une stratégie. Les DSI doivent se protéger de cela.

Ils ne maîtrisent pas les effets, qui peuvent aller très loin. Les messageries, les présentations PowerPoint et la fonction Copier/Coller ont modifié la façon même de penser ! Il faudrait d’ailleurs faire attention aux effets secondaires …

Certains DSI considèrent que rien n’a changé. Les objectifs et les enjeux restent les mêmes. Quand au rôle sociétal du DSI, ils n’ont pas à être plus royalistes que la CNIL …

Finalement, les DSI restent très modeste sur leur rôle. Si l’enquête montre l’importance du sujet pour eux, ils ne se sont jamais vraiment posé la question en ces termes. Personne d’ailleurs !

Paradoxe et Ambivalence

Dans la pratique, les études préalables sont pratiquées presque systématiquement, mais les bilans de projets sont toujours inexistants ou uniquement techniques. De nombreux chapitres ont été ajoutés à ces démarches : technologie, économique, sécurité, gestion du risque, conformité, juridique, … mais rien sur le social.

Puisque le sujet est tellement important que personne ne l’aborde, envisageons le paradoxe dans sa forme contraire : les TIC ont-elles un rôle antisocial ?

Les DSI interrogés pensent immédiatement à la mondialisation et à ses délocalisations, dont l’outsourcing qui n’existerait pas sans les TIC. Par ailleurs, comme les TIC amènent de la complexité et des bouleversements dans les expertises, certaines personnes ne peuvent plus suivre ...

Comme toute technique, les TIC sont ambivalentes. Elles peuvent à la fois : améliorer la communication ou l’empêcher comme dans certains centres d’appels, promouvoir l’autonomie ou standardiser les pratiques comme avec certains ERP, donner de la liberté ou renforcer les  contrôles comme avec le télétravail, provoquer l’individualisme ou déclencher de forts sentiments altruistes comme sur certains projets open source, …

En prenant du recul, on est bien obligé de constater que cette ambivalence est intrinsèque à toute technologie, et qu’elle a toujours été une composante du rôle social de l’Ingénieur [2].

Si la responsabilité finale incombe au DG, la question de l’utile et de l’acceptable peut être posée par le DSI. A ce titre, quelle serait la légitimité du DSI ? Sur le périmètre de sa Direction, elle est totale (100%). Elle diminue légèrement à l’échelle de l’entreprise (93%) et encore un peu quand on raisonne sur la société (85%).

La pratique est difficile dès le périmètre le plus simple (la DSI). Pourtant, la porosité entre les trois sphères est importante : on parle des mêmes personnes.

Les technologies ou la technologie

Les DSI savent que les SI transforment les gens et les processus. Les projets de rationalisation cèdent progressivement la place à l’innovation, … On leur fait couvrir des fonctions proches des anciennes directions de l’organisation et de la qualité. L’informatique doit s’arrêter à l’ergonomie et la disponibilité des applications. Quant au changement, faut-il le conduire ou l’accompagner ?

La notion de responsabilité sociale des entreprises (RSE) va se développer dans les prochaines années. Le Gartner considère même que le sujet va ouvrir encore plus de lignes budgétaires que la conformité.

Les modèles socio-économiques se redéfinissent. Le numérique aura envahit toutes les facettes de notre vie en 2010 [3],  et bientôt, il y aura plus de « objets intelligents » sur Internet qu’il y a d’internautes dans le monde. Joël de Rosnay [4] considère qu’une déontologie des TIC reste à concevoir.

Une crise de la représentation existe : « on est toujours l’utilisateur de quelqu’un ». Devant la multiplicité des trahisons, Patrice Flichy [5] s’interroge sur le rôle impossible du représentant de l’utilisateur.

En regard des technologies et des « procédures dures » qu’elles véhiculent, Jean-Batiste Stuchlik [6] préconise aussi des « procédures molles » [7], plus pertinentes.

Le choc démographique arrivera aussi en 2010. François Edouard [8] nous recommande de réviser les comportements opportunistes pour envisager le long terme. La notion de « recentrage sur le cœur de métier » est un concept mou, et les externalisations des violences contreproductives.

Par exemple, le travail des informaticiens est de nature intellectuelle. La productivité dépend directement de la motivation des collaborateurs. Jean-Gustave Padioleau [9] constate un « mismanagement » des compétences techniques. Les DRH ne comprennent pas les informaticiens. Certaines idéologies de gestion des compétences ne reconnaissent pas les compétences techniques.

C’est grave à l’heure où la R&D et les SI créent des mondes nouveaux, à la différence du marketing et du commerce.

Positif ou négatif, le rôle des TIC est essentiel. Dans l’entreprise, la responsabilité incombe à la DG, mais le débat peut être animé conjointement par la DSI et la DRH.

L’animation d’équipe, la veille, les réflexions sur le « sourcing », les exigences de conduite du changement, l’évolution du management des acteurs SI, … doivent être envisagés comme autant de leviers pour favoriser la collaboration entre la DSI et la DRH. Les enjeux sont énormes, pour tous.

En français, le mot « technologie » possède deux acceptions. La première désigne un ensemble de méthodes et de techniques. On l’emploie de plus en plus, et souvent à tord pour désigner une « technique ». Est-ce une pratique anglo-saxonne ?

La seconde est l’étude des techniques. N’en perdons pas notre latin, « logos » désigne en grec à la fois la raison et la parole. La technologie : le singulier s’impose, même si ses analyses sont plurielles.

Alain GUERCIO

Texte publié dans la Lettre d'ADELI sur la conférence Documental :  « Le DSI face aux dimensions sociale et sociétale des TIC »

[1]  www.documental.fr

[2]  Avec un I majuscule, puisque notre hôte était la Maison des Arts et Métiers …

[3] Rapport «  Internet of Things » de l’International Telecom Union

[4]  Joël de Rosnay, futurologue

[5]  Patrice Flichy, sociologue, Université Marne-la-Vallée

[6]  Jean-Batiste Stuchlik, ingénieur, docteur en gestion et psycho-sociologue

[7]  Allusion à "L'informatique managériale" aux éditions Hermès Lavoisier, sept. 2006 de Bernadette Lecerf-Thomas qui était dans la salle

[8]  François Edouard, membre du Conseil Economique et Social

[9]  Jean-Gustave Padioleau, sociologue CNRS Université Dauphine



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