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« PETITS ÉCRITS » SUR LE MANAGEMENT : le blog

Simplifier l'accès à la musique classique

Simplifier l’accès à la musique classique est une nécessité et aussi un beau défi, car ce n’est pas simple. Les solutions élaborées par Classissima à ce jour, essentiellement sur 6.000 compositeurs/interprètes, en sont les prémices.

La multiplication des sites internet consacrés à la musique classique ou à l’opéra est plutôt encourageante. Elle témoigne d’un dynamisme qui contredit l’idée reçue que le classique est « has been ». Malgré toutes les difficultés qu’ils peuvent rencontrer pour se maintenir, les groupes de discussion discutent, les médias médiatisent, les blogueurs bloguent, les vendeurs vendent. En lançant classissima.com, en refusant d’être le nième forum, le nième marchand, nous étions dans l’obligation d’adopter un positionnement très différent. L’idée de simplifier l’accès à la musique classique s’est imposée assez naturellement, d’autant plus qu’il y a matière à innover.

Pourquoi la musique classique semble-t-elle hermétique à beaucoup de gens ? Certainement pas à cause de ses formes ou des instruments qu’elle adopte, auquel cas aucun publicitaire n’utiliserait la Valse n°2 de Shostakovich pour la promotion d’un assureur, et Walt Disney n’aurait pas produit Fantasia. Une histoire de codes qu’elle véhicule ? Le port du smoking n’est pas obligatoire pour assister aux Folles Journées de Nantes et quelques artistes taquinent du violon en jean et baskets sans altérer leur virtuosité.

Cet hermétisme est largement imputable à l’immensité de son répertoire et la profusion de ses interprètes. Comment aborder un genre aussi vaste ? Comment poursuivre l’initiation ? Sur la dizaine de milliers de sites que nous avons visités, une toute petite poignée[i] fournit des pistes. Presque tous présupposent qu’on s’y connaît, qu’on fait le distinguo entre un Byrd et un Boulez, comme entre Stokowski et Christie, qu’on sait citer sans aucune hésitation les œuvres­-clés de Dvorák, qu’on peut citer les rôles clés de Raimondi (Ruggiero, pas Gianni) ou de Kožená. Rien de nouveau d’une certaine manière, les médias spécialisés en font de même. Lire un article ou écouter une émission abordant une cantate de Bach est rapidement une épreuve difficile pour le béotien : pas une phrase sans faire référence à tel Gunther Ramin, tel Kuijken, telle Lejneva. Même les mélomanes assidus peuvent décrocher. Il y a donc une sérieuse barrière à l’entrée.

Avec internet, on pourrait croire que les moteurs de recherche faciliteraient l’accès. Mais non, il faut savoir ce qu’on cherche. Précisément. Bartoli ? 75% des résultats de la 1ère page concernent Marion la tenniswoman et un seul de ces résultats est en rapport avec Cécilia. Avec des recherches plus précises, les résultats sont aussi décevants : ici des liens vers des pages en anglais, parce que le web est d’abord américain, là des liens vers des sites dont l’intérêt est douteux. Sur une niche, hors mainstream, l’internaute n’est pas très bien servi.

Simplifier l’accès à la musique classique a donc du sens. Oui mais voilà : comment ?

Prenons l’exemple des compositeurs. Un néerlandais en a répertorié 20000 ! Classissima n’en propose « que » 2000. Quel que soit le nombre, la question est « comment accéder ? ». L’accès alphabétique est la règle, pratique pour celui qui cherche Klughardt August. Classissima propose une navigation permettant d’explorer 10 siècles de musique classique, en largeur et en profondeur. Au niveau panoramique : 70 compositeurs. Les compositeurs offerts à chaque zoom dépendent de leur notoriété[ii]. Loin d’être parfait, ce mode d’accès est pourtant unique sur le web.

Les patronymes font aussi obstacles. Allen : Nancy la comédienne passe avant Nancy la harpiste, créditée sur quelques dizaines d’albums mais en 4ème page de résultats sur google.fr. Kaufmann : Georg Friedrich, Dieter, Jonas … ? Chostakovitch ou Schostakowitsch ? Dmitri ou Maxim ? Johann Sebastian ou Jean-Sébastien Bach ?

L’accès aux œuvres n’est pas aisé non plus. Les 100 compositeurs les plus renommés ont signé 25000 partitions ! Si certains, comme Dutilleux ou Kodály, en collectionnent quelques dizaines seulement, d’autres ont été plus prolixes, comme Bach ou Schubert (plus de mille œuvres chacun). Et encore des obstacles : associer Die Zauberflöte à La Flûte Enchantée n’est pas évident pour tout le monde. Rechercher la Symphonie du Nouveau Monde dans iTunes ne donne tout simplement pas accès à l’interprétation du Slowakische Staatsphilharmonie et Libor Pešek vendue sur cette même plateforme sous le nom „Aus der Neuen Welt”.

L’accès est le véritable enjeu de l’internet classique. Rien qu’en France, il sort chaque mois environ 200 albums. Au moins 250000 albums de musique classique ont été édités à ce jour[vi] ! Les catalogues sont immenses ... mais très pollués. Par exemple, sur les 3 millions d’artistes référencés dans iTunes, Mozart existe en 220 exemplaires différents, écrits sous 170 formes ! Et ces catalogues proposent des pistes d’albums et non pas des œuvres. Y chercher la Symphonie n°5 de Beethoven ne vous proposera pas la même sinfonia dirigée par Dudamel. Leurs outils de recherche sont très pauvres, et le resteront : pourquoi fournir mieux lorsqu’il est légitime de promouvoir les nouveautés ou les références aux meilleures marges ?

En l’état, il est simplement impossible, aux simples curieux comme aux mélomanes avertis, d’accéder en ligne à la diversité de la musique classique. Internet n’a pas vraiment solutionné la question du choix chez les disquaires. C’est tout juste un peu mieux.

Laurent HOUMEAU

Article publié dans Opéra Magazine n°23, septembre 2011

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[i] 3 exemples (en anglais) :

·         http://people.wku.edu/charles.smith/music/index2.htm

·         http://keepingscore.org/

·         http://www.bbc.co.uk/radio3/classical/onmusic/

[ii] analyse d’une cinquantaine de classement (livres, sites, coffrets, …) citant 600 compositeurs majeurs. Ainsi, 97% des compositeurs classiques ne seraient donc pas majeurs.




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