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« PETITS ÉCRITS » SUR LE MANAGEMENT : le blog

L’iconomie, les Échecs, nos emplois

L’informatisation massive de l’économie révolutionne notre société à une vitesse prodigieusement croissante. Cela pourrait être une très bonne nouvelle, à condition d’y réfléchir et de s’y préparer. La majorité des entreprises ne peut plus se permettre d’être à la traîne. Le « cerveau d’œuvre », c’est maintenant !

L’iconomie

On nous a déjà parlé d’une société de la connaissance, ou du savoir, ou de l’information. On ne sait plus. On nous parle aujourd’hui de la transformation digitale et de l’économie numérique. Ou l’inverse. On ne suit plus. S’il est vrai que le langage structure la pensée, il faut faire un effort pour surmonter cette explosion de néologismes et pour tenter de repérer les personnes qui font vraiment progresser la réflexion.

Michel Volle fait partie de ceux-là. L’iconomie [1] est l’appellation qu’il retient pour désigner la transformation de l’économie par l’utilisation massive de l’informatique. Cette troisième révolution industrielle –qui sera aussi énergétique et écologique, mais différente de celle de Rifkin [2] – produira des impacts sur nos entreprises, nos sociétés, nos modes de vie.

Ils seront d’ampleurs aussi grandes que les impacts des révolutions industrielles précédentes qui ont vu fondre les effectifs de paysans, fleurir les usines et le taylorisme, émerger la bureaucratie, s’étendre l’importance des services, exploser la consommation de masse et les loisirs, …

Dans l’iconomie, les produits et les services n’ont de valeur que combinés entre eux. Rien ne saurait les dissocier. Le smartphone en est un bon exemple. La complexité à concevoir et mettre au point de tels systèmes exige des investissements colossaux, exigibles très en amont de la rencontre avec le premier client. C’est donc très risqué.

Grâce à l’automatisation extrême, le coût marginal [3] engendré par un Nième client, un Nième produit, un Nième service, est extrêmement faible, voire nul. Dès lors, l’offre doit rencontrer son marché très rapidement pour que l’entreprise dégage une rentabilité.

Dans l’iconomie, il faut savoir monter des partenariats technologiques et commerciaux pour étendre l’offre et optimiser l’investissement. Le prospect, lui-même connecté au réseau, est déjà très sollicité. Il faut donc le surprendre, le captiver, l’enchanter, lui promettre une qualité de service irréprochable. Rien n’est gagné d’avance car des initiatives concurrentes peuvent surgir d’un coup et rafler la mise.

Cette complexité en mouvement et ces investissements hyper-risqués entraînent la majorité des entreprises vers des marchés de niche. Une entreprise visera à y devenir un quasi-monopole de fait sur une période suffisamment longue.

L’iconomie ne serait pas vraiment compatible avec la concurrence pure et parfaite. N’est-ce pas ce que dit Axelle Lemaire – secrétaire d’État au Numérique – quand elle annonce : « le numérique est victime du diktat concurrentiel européen » ? [4]

En 1980, Steve Jobs voulait maîtriser à la fois le matériel et le soft. En 2000, il voulait aussi contrôler la qualité des contenus, les tarifs et les paiements, et disposer de ses propres magasins pour recevoir ces clients.


Les Échecs

Selon la légende, le créateur du jeu d’échecs aurait demandé en récompense qu’on lui mette un grain de riz sur la première case du plateau, deux sur la seconde, quatre sur la troisième, et ainsi de suite jusqu’à la soixante quatrième case.

La trente-deuxième case aurait dû contenir 140 tonnes de riz, soit la production annuelle d’une exploitation de 40 hectares. La dernière case attend toujours les 600 milliards de tonnes qu’on lui doit. Débordé par cette promesse, l’empereur l’aurait fait décapiter.

Les deux professeurs du MIT [4] qui nous rappellent ce conte estiment que nos sociétés n’ont pas encore atteint la trente-deuxième case de l’échiquier de l’informatisation. En clair, nous n’avons encore rien vu !

Le président d’IBM disait en 1943: « Il y a un marché mondial pour quelque chose comme cinq ordinateurs ». Aujourd’hui, plus de deux milliards et demi de personnes accèdent à Internet.

Les répercussions de l’informatisation du monde se révèlent déjà énormes dans la téléphonie mobile et les ordinateurs, dans la musique, la télévision, les journaux, la banque, l’automobile, les transports, l’hôtellerie, la domotique, le commerce de détail, la santé, les loisirs, l’assurance, la formation … Comment ne pas en oublier ?

N’importe quel laboratoire qui améliore un logiciel, un robot, un capteur sensoriel, un objet connecté, … peut faire avancer le monde d’une case, d’un coup.

Pas assez compétitifs, ceux qui auront une case en moins seront vite débordés. Clic-clac : ayons une pensée émue pour Kodak … [6] On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.

Après avoir racheté la société qui les fabrique, Amazon vient de décider que son parc de robots Kiva passerait dans ses entrepôts de 1500 unités à 10.000, avant la fin de l’année. [7]

Tout aussi rapidement, SoftBank Mobile compte équiper chacun de ses 2 600 points de vente avec des robots Pepper. Développé par une société française - que SoftBank a rachetée - Pepper sait engager une conversation ou réagir selon les émotions qu’il détecte chez son interlocuteur. [8]

Nos emplois

Ces mêmes chercheurs du MIT nous alertent sur le fait que les robots (matériel et logiciel) détruisent massivement nos emplois. Cela explique d’après eux la croissance sans emploi que connaissent les USA actuellement.

L’heure des RTT infinies est-elle arrivée ? Pas sûr. Ce que Michel Volle nous assure, c’est que la supervision et la maintenance des machines n’occuperont pas beaucoup de monde : la très haute fiabilité des machines y veillera.

Pour le reste, il nous présente une ébauche de modèle d’entreprise articulée autour de trois sphères principales : la conception, la relation, l’animation.

Malgré tous les progrès bien réels en Intelligence Artificielle, l’informatique d’aujourd’hui sait surtout reproduire des actions prédéterminées, spécifiées et programmées à l’avance. Pour les robots comme pour les applications les plus sophistiquées, toute surprise est encore une mauvaise surprise.

On conçoit alors qu’en amont, les métiers de la conception et de l’ingénierie des produits et des services ont encore de belles journées de travail devant eux. Ces emplois forment la première sphère. L’exigence sera bien sûr d’être à la pointe de sa spécialité, mais aussi de savoir travailler avec d’autres spécialistes pour réussir l’intégration entre des technologies différentes, entre des services complémentaires, entre des technologies et des services sophistiqués, et avec des circuits de distribution répartis.

Bien sûr, les esprits créatifs sont aussi les bienvenus.

Au contact des prospects et des clients, on trouve les réseaux de commercialisation et de distribution, la production des services et le support après-vente. La gestion de la relation client devient l’objet de toutes les attentions. On n’envisage plus de l’externaliser : elle est au cœur de la seconde sphère. Ces agents d’interface accueillent les clients, les conseillent et les accompagnent dans la découverte et l’usage des produits et services. Ces emplois requièrent des qualités humaines pour écouter les clients avec empathie et attention.

Chaque réclamation, remarque ou suggestion, chaque émotion ou forme de perception peut être une source de progrès et faire naître un avantage compétitif majeur, et notamment sur un marché de niche.

Si l’innovation est le moteur de l’iconomie, la communication en est le carburant. La réussite de l’entreprise dépend donc de son indice d’octane.

Chaque acteur communique de manière intensive aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisation. Face aux enjeux et aux risques, les échanges doivent être rapides et pertinents. La sphère de la conception doit s’adapter aux réactions des clients qui remontent du terrain. Les nouveaux services doivent atteindre rapidement leur potentiel de pénétration du marché et de revenu.

Le système d’information joue un rôle stratégique. L’ensemble est intégré par des animateurs, qui constituent la troisième sphère. Proposition de valeur hautement concurrentielle, qualification des évènements externes et traduction dans le langage de l’entreprise, prise rapide de décision locale et travail collaboratif : ces emplois sont très loin du taylorisme, avec sa main d’œuvre de simple exécution !

Pour vivre l’iconomie, Michel Volle attire notre attention sur l’alliage indispensable de l’informatique et du « cerveau d’œuvre ». Il rappelle aux managers qu’un « cerveau d’œuvre » ne fonctionne correctement qu’avec beaucoup d’écoute et de considération.

En 1800, les deux tiers de la population travaillaient la terre. Ils étaient 40% en 1945 puis 3% aujourd’hui. Qui pouvait penser que l’industrie et les services allaient absorber l’essentiel des travailleurs pour développer une vie meilleure ?

Aujourd’hui, qui peut décrire le monde dans 30 ou 40 ans ? Personne. Mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire. Sans attendre les scénarios détaillés, on sait que trois lignes doivent bouger, et surtout en France : la formation initiale et continue, les organisations qui doivent devenir transversales et agiles, le management dont le levier de réussite sera la mobilisation de l’intelligence collective.

« Il est indispensable de prévoir pour prévenir » [Charles Dollfus - De la Nature humaine (1868)]

Alain GUERCIO

Article publié initialement sur Le Cercle des Echos

[1] « L’iconomie » Michel Volle aux éditions Economica

[2]  La troisième révolution industrielle de Jeremy Rifkin

[3] « Non, Xavier Niel : la voix et le SMS ne valent pas zéro ! »

[4] Le numérique est victime du "diktat concurrentiel européen", selon Axelle Lemaire

[5] « Race Against The Machine » et “The Second Machine Age” de Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee

[6]  « Kodak sort de la faillite au prix fort »

[7] « déploiement de 10.000 robots dans les entrepôts d’Amazon »


[8] Aldebaran et SoftBank Mobile présentent le premier robot « émotionnel »

http://www.linformaticien.com/actualites/id/33350/aldebaran-et-softbank-mobile-presentent-le-premier...



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